Handicap ou maladie ?

Cet article est issu de ce thread : https://twitter.com/hparadoxa/status/1295686210275414021 publié en aout 2020.


Disclaimer

Ceci n’est pas le seul découpage possible. Mais c’est lui avec lequel je travaille et je m’exprime parce qu’il me parait le plus efficace politiquement.

Ici je vais parler de “conditions de santé” pour rassembler toutes les maladies / blessures / problèmes de santé divers, comme tous ne rentre pas nécessairement pile dans le mot “maladie”. Et cet article ne concernera que les conditions de santé long terme (exemple : pas une angine, pas une fracture qui sera réparée sans séquelle dans 2 mois, etc) parce qu’une condition de santé court terme a de toute façon très peu à voir avec un handicap.

Définitions

Une condition de santé amène un besoin de soin.

Un handicap amène un besoin d’accessibilité.

Exemples

Je vais donner quelques exemples issue de ma vie perso, pas parce que j’adore tout centrer sur moi, mais juste parce que au moins je suis sûr qu’il sont vrais et je sais qu’on peut facilement penser qu’une condition ne nécessite pas de soin ou pas d’enjeu d’accessibilité alors que si, du coup je préfère pas prendre le risque de me planter.

Exemple d’un handicap

Je suis autiste. Dans mon cas, l’autisme est uniquement un handicap et pas une condition de santé.

Je n’ai pas besoin de soin liés au fait d’être autiste (par exemple thérapie, traitement, rééducation psychomotrice….).

Mais j’ai besoin d’accessibilité (par exemple des aides sensorielles, des droits d’absences à la fac, des aménagements d’examens pour les oraux…).

Exemple d’une maladie

J’ai l’endométriose. Dans mon cas, l’endométriose est uniquement une condition de santé et pas un handicap.

J’ai besoin de soin (mon traitement hormonal) mais il est très efficace et sans effets secondaires donc je suis asymptomatique avec.

Du coup je n’ai pas besoin d’accessibilité particulière pour ça (par exemple des congés maladies, par exemple des aides à la mobilité, par exemple une compensation car ça m’empêche de travailler).

Exemple d’une maladie qui est aussi un handicap

J’ai des douleurs chronique. Dans mon cas, les douleurs chroniques sont à la fois une condition de santé et un handicap.

J’ai besoin de soin (par exemple des médicaments, par exemple de la kiné, par exemple des orthèses).

Et j’ai besoin d’accessibilité (par exemple des lieux accessibles PMR, par exemple une compensation pour le fait que je ne peux pas travailler assez, par exemple des droits d’absence à la fac).

Handicap, maladie et diagnostic

Il est cependant important de retenir que ce n’est pas du tout une question de diagnostic. C’est pour cela que je donne des exemples de choses dont je n’ai pas besoin. Parce que d’autres en ont besoin.

Par exemple, mon endométriose n’est pas un handicap, mais c’est parce que je réagis très bien aux hormones ! Il existe plein de gens pour qui l’endométriose est un handicap. Peut-être même bien la majorité, honnêtement je n’en sais rien, je n’ai pas de chiffre sur le sujet.

Plein de personnes avec l’endométriose n’ont pas de traitement suffisamment efficace ou avec suffisamment peu d’effet secondaire pour que la maladie ne soit pas handicapante, et ont donc besoin de mesure d’accessibilité en plus des soins.

Idem pour l’autisme, certaines personnes ont besoin de thérapie ou de traitement !

Il y a des condition de santé qui causent toujours ou presque toujours des handicaps, d’autre parfois, d’autres rarement. Est-ce qu’une personne est handicapée ou pas, ce n’est pas une question de diagnostic, c’est une question de situation.

C’est dans une certaine mesure la même chose pour “Est-ce qu’une personne a une condition de santé ou pas ?”.

Il est aussi important de noter que, du coup, la situation n’est pas figée. Avant d’avoir mon traitement pour l’endométriose, mon endométriose était un handicap. Et si un jours je n’ai plus de traitement ou qu’il cesse de marcher, ce qui est possible, alors je serai sûrement à nouveau handicapé par l’endométriose.

Mais considérant que ça fait un an et demi que je n’ai plus de symptômes, et que ça va sûrement encore durer un moment, je n’ai pas vraiment de raison de dire que je suis handicapé par l’endométriose pour l’instant.

Pourquoi ces définitions.

Maintenant qu’on a dit tout ça : pourquoi je choisis ce mode de découpage.

On pourrait considérer que toutes personnes avec une condition de santé longue durée est handicapée. Et certain·e·s personnes le font. Personnellement ça ne me parait pas adéquat.

Pour moi, faire cette distinction permet de parler plus clairement de quels sont les enjeux politiques de nos luttes.

Pour les personnes avec des conditions de santé, l’enjeu de nos lutte c’est : l’accès au soin, le remboursement, l’accès au diagnostic, la lutte contre les violences médicales (et sûrement d’autres choses).

Pour les personnes handicapées, l’enjeu de nos luttes va être : l’accès à l’espace public, l’accès à la citoyenneté, l’accès au travail, l’accès aux études, la lutte contre la paupérisation des personnes handicapées, la lutte contre les discriminations validistes, contre l’eugénisme (et sûrement d’autres choses aussi).

Dans les faits, beaucoup de personnes handicapées ont aussi des condition de santé. De ce faits, les enjeux des personnes avec des conditions de santé font aussi partie des luttes anti-validistes, par exemple l’accès au soin et au diagnostic, les luttes contres les violences médicales…

Mais l’inverse n’est pas nécessairement vrai. Un certain nombre de personnes avec des conditions de santé ne sont pas handicapées, et ne sont, par conséquent, pas directement concernées par les enjeux anti validiste.

Par exemple : Une personne avec une allergie saisonnière au pollen très bien traitée par les antihistaminiques. Une personne avec une mauvaise vue très bien traitée par ses lunettes. Une personne avec une voute plantaire un peu trop creuse mais très bien traitée par des semelles.

(Et encore une fois, ça ne veut pas dire que des personnes avec ces conditions de santés ne peuvent pas être handicapées par celle-ci, juste ce ne sera pas le cas de toutes) !

Un certains nombre de personnes avec des conditions de santé courantes et bien prises en charge ne sont pas handicapées, et ne sont pas confronté aux enjeux d’accessibilité et de validisme qui, pour moi, constitue le handicap.

L’importance de ne pas gatekeeper

Ceci étant dit il est important de se rappeler que ça ne veut pas dire qu’on peut dire de l’extérieur qui est handicapé ou pas. Et je ne peux pas dire “non c’est faux” à quelqu’un qui dit être handicapé par quelque chose pour la simple raison que moi ça ne m’handicape pas.

Beaucoup de personne ont d’ailleurs l’idée que certains handicaps sont juste des enjeux de santé. Que par exemple une personne amputée a juste besoin d’une prothèse et hop, elle est valide. Alors que non, une prothèse ne donne pas la même mobilité, n’enlève pas les douleurs chroniques, etc. De la même manière, un implant auditif ne rend pas entendant. Il aide juste à entendre un peu plus, mais la personne aura toujours besoin de mesure d’accessibilité.

Pour finir, je tiens quand même a précisé que, quel que soit le découpage qu’on choisissent (et il y aura de toute façon toujours des zones de gris je pense) les personnes handicapées seront toujours très hétéroclites. Les besoin de soins et d’accessibilité changent suivant les personnes, et ou que l’on mettent la barrière, il y aura toujours des membres de nos communautés qui ne seront pas directement concernés par certains enjeux.

Et que, dans tous les cas, être “concerné·e” par le handicap ou le validisme, ne nous rend pas expert·e·s de l’expérience de personnes avec des handicaps et des besoins différents.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*