Mieux comprendre l’autisme : Les contraintes alimentaires

Cet article est une retranscription de cette vidéo :


 Bonjour et bienvenue sur ma chaîne, c’est H Paradoxae et aujourd’hui on va parler de nourriture ! Et d’autisme aussi, c’est un peu le principe de la chaîne.

Pour celles et ceux dont ce serait le premier passage par ici, bienvenue, je m’appelle Alistair, je suis moi-même autiste, et sur cette chaîne, entre autres choses, j’essaie de vulgariser ce qu’est ou ce que peut être l’autisme. J’ai une playlist dédiée à ça que je vous met dans le i et qui s’affichera à la fin de la vidéo.

Si vous êtes autiste, ou proche de personnes autistes, vous l’avez sûrement remarqué : se nourrir quand on est autiste… c’est pas toujours très simple. Dans cette vidéo je vais essayer d’expliquer ce qui cause ces difficultés et donner quelques conseils pour essayer de faire avec. Je ferai aussi probablement plus tard une seconde vidéo qu’il sera plus centrée sur des conseils pour se nourrir quand on est autiste, mes petite astuce perso etc. Donc si ça vous intéresse et que vous voulez être sûr·e de ne pas la rater, pensez à vous abonner.

Comme toujours ici je vais parler d’autisme, mais il est tout à fait possible que des personnes avec d’autres handicaps aient des difficultés similaires, et donc que ce que je dise puisse s’appliquer à elle et les aider. Seulement ben voilà, moi je suis autiste et je parle de ce que je connais.

Pour moi il y a trois grands traits qui entrent en jeu dans les difficultés alimentaires des personnes autistes :

  • Les troubles sensoriels
  • Les intérêts spécifiques
  • Et la rigidité mentale, le besoin de routine, tout ça

Les troubles sensoriels

En ce qui concerne les troubles sensoriels, j’ai fait une vidéo complète qui est dédiée à ce sujet je vous la mettrai dans le i comme ça vous pouvez la regarder maintenant et revenir ici plus tard, ou la regarder plus tard en complément de ce que je vais dire ici.

Pour résumer ce qu’il faut retenir ici c’est que les personnes autistes ont des sensibilités sensorielles particulières qui peuvent se manifester sous la forme :

  • D’hypersensibilité : donc une tendance à ressentir plus fort les stimuli sensoriels que la moyenne
  • D’hyposensibilité : donc une tendance à les ressentir moins fort
  • Et de troubles de l’intégration sensorielle c’est à dire une difficulté à comprendre et à analyser les stimuli sensoriels, surtout s’ils sont complexes.

Plus généralement on peut retenir que les personnes autistes ont un fonctionnement sensoriel qui est particulier, parfois difficile et souvent très important dans leur fonctionnement.

Dans la nourriture cela se joue évidemment au niveau du goût mais aussi au niveau de la texture, de la vue (donc les couleurs, les formes, tout ça) de l’odeur et du son.

Comme souvent dans l’autisme, il n’y a pas de formule universelle. Toutes les personnes autistes ont des troubles sensoriels mais cela peut être très varié. Une personne autiste peut avoir un goût en horreur et une autre va peut-être l’adorer donc je vais vous donner des explications générales mais après il faut au cas par cas apprendre à connaître ses propres spécificités sensorielles et/ou celles des personnes autistes de son entourage.

Les troubles sensoriels vont impacter la capacité à se nourrir de plusieurs manières.

D’un côté beaucoup de personnes autistes pour avoir ce qu’on appelle des aversions alimentaires. C’est-à-dire des aliments ou des types d’aliments qu’elles ne supporte pas de manger.

Ça peut être certains goûts généraux comme par exemple détester l’amertume et y être très sensible, ou des goûts très précis par exemple moi je déteste le chou-fleur cuis. C’est vraiment très spécifique. Le chou-fleur cru j’aime, tous les autres choux cuit aussi mais ce chou là précisément, cuit, c’est dégueulasse.

Ça peut être les textures. Moi par exemple c’est les saucisses, je supporte pas ça la texture me révulse vraiment. Et pareil ça peut être un truc précis comme ça, ou quelque chose plus général, comme ne pas aimer les aliments mouillés par exemple. C’est aussi courant d’avoir des aversions pour des combinaisons de textures. Par exemple la texture d’une sauce va être supportée, la texture d’un plat va être supportée mais si on mélange la sauce avec le plat là c’est plus possible. C’est pas vraiment mon cas, mais il y a pas mal de personnes autistes qui vont aimer manger des choses qui sont très homogènes. Et plus généralement ne pas aimer mélanger leurs aliments. J’ai connu quelqu’un qui triait les différents légumes dans la ratatouille par exemple, et qui mangeaient d’abord toutes les courgettes, puis tous les poivrons, etc.

Et il peut aussi y avoir des aversions visuelles par exemple des personnes autistes qui refusent de manger des aliments d’une certaine couleur. Pareil pour les sons, pareil pour les odeurs.

Les intérêts spécifiques

Les aversions sont souvent la contrainte la plus évidente, parce que ça se caractérise par un refus souvent total, donc ben… ça se voit. Mais il y a un autre aspect des contraintes alimentaires qui est souvent un peu plus discret donc un peu passé sous silence, et c’est l’inverse. J’ai pas vraiment trouvé de mots pour dire ça, mais en gros… des appétences ? C’est un peu nul si jamais vous avez des meilleures propositions n’hésitez pas dans les commentaires.

En gros il y a pas mal de personnes autistes qui vont avoir besoin d’être intéressées, d’être attirés par la nourriture pour arriver à en manger ou arriver à en manger en quantité suffisante. Il ne s’agit pas vraiment d’aversion parce qu’en général on peut en manger ça ne nous repousse pas. Mais on va en manger un peu et ne plus en vouloir ou même avoir l’impression qu’on a plus faim alors qu’on n’a pas assez mangé. Mais du coup comme y a pas vraiment de refus c’est un peu plus discret et ça passe un de plus inaperçu.

J’en avais parlé un petit peu dans ma vidéo sur les intérêts spécifiques, je vous la met dans le i, mais les personnes autistes ont tendance à fonctionner par attirance très forte pour certaines choses et parfois par désintérêts pour tout le reste. Il n’est donc pas rare que certains d’entre nous aient des difficultés à manger ou à manger suffisamment des nourritures qui ne les intéressent pas.

Je sais que ça peut être difficile à comprendre de l’extérieur, je me rappelle de la tête que les gens ont fait la première fois où j’ai expliqué que non je n’avais rien contre les aliments verts mais que je les trouvais as assez fun alors je pensais pas en manger. Mais pour beaucoup d’entre nous le fait de réussir à manger ou à manger suffisamment dépend non-seulement du fait d’avoir des aliments qui ne nous repoussent pas mais aussi du fait d’avoir des aliments qui nous attirent, qui nous stimulent positivement, qui nous intéressent.

Et exactement de la même manière que pour les aversions, les appétences peuvent être sur des aliments précis et/ou plus générales et sont aussi liées à l’aspect sensoriel des aliments. Et c’est pour ça qu’il n’est pas rare de voir des personnes autistes, par exemple mettre du piment dans tous leurs plats parce que le piment est un goût qui les attire.

Moi personnellement j’adore l’acide et le sucré, et donc c’est des choses que je vais beaucoup rechercher dans ma nourriture. Et pour les couleurs c’est pareil. J’ai pas forcément d’aversion mais un plat qui va avoir plusieurs couleurs, dont mes couleurs préférées, c’est un plat qui va beaucoup plus m’intéresser. Alors qu’un plat uniforme ou avec des couleurs qui m’intéressent moins et ben j’en mangerais moins, et parfois pas assez pour être nourri.

Rigidité mentale & Routines

Et enfin, en plus des aversions et des appétences, il y a aussi tout l’aspect besoin de routine.

Une autre grande caractéristique des personnes autistes, c’est d’avoir du mal à gérer l’imprévu, d’avoir besoin d’anticiper les choses, d’avoir besoin de routine. J’ai pas encore fait de vidéo détaillée sur ce sujet, mais ça viendra.

Note : J’en ai une maintenant ! Elle est ici.

Dans le cas de la nourriture c’est pareil. On a souvent besoin de savoir à quoi s’attendre. Par exemple là où, pour beaucoup de personnes, passer d’une marque à une autre pour un produit ça va être anodin, pour nous ça peut être très difficile à gérer.

Par exemple l’autre jour une des personnes avec qui je vivais a acheté du pain de mie. C’était la même marque que d’habitude, la même recette que d’habitude, le même produit d’habitude, mais ce n’était pas le même format de tranche. C’était les mêmes tranches, mais un peu plus petites. Et bien j’ai mis cinq jours à réussir à entamer le paquet.

D’une manière générale du coup on va aimer manger les mêmes aliments régulièrement, préparés de la même manière, etc. Et ça peut aussi jouer plus généralement sur notre capacité à consommer certains aliments, parce que certains aliments sont plus « prévisibles » que d’autres. Par exemple une carotte, globalement, on sait à quoi s’attendre. Alors qu’un melon y a pas mal de goût différents, et pas mal de textures différentes, il y a toujours beaucoup plus de suspense et ça peut être difficile.

Une des autres manière dont ça peut se manifester c’est d’avoir besoin de savoir le menu à l’avance. Personnellement pour réussir à manger assez j’ai besoin de pouvoir me projeter, de pouvoir m’imaginer en train de manger cette nourriture, de savoir comment ça va être et d’en avoir envie. Sinon je vais sûrement manger un peu mais très vite je vais plus y arriver et j’aurai faim une demi heure après.

Au niveau du rythme des repas, certaines personnes vont du coup avoir besoin d’horaire précis, que le moment du repas soit un moment dédié dont on sait où, quand, et avec qui il arrive. Au contraire, pour d’autres, le côté « il faut que ça m’intéresse pour que je mange » va être plus fort que « je dois savoir quand c’est l’heure de manger » et du coup certaines personnes vont plutôt préférer manger quand elles ont envie que d’avoir des heures fixes, et privilégier par exemple le fait de faire plusieurs petits repas aux moments où elle s’en sentent capables plutôt que des gros moments de repas à des moments dédiés.

Note : Beaucoup de personnes autistes ont également un TDAH, ce qui joue sur cette impulsivité sur les horaires des repas !

Quelles solutions ?

Maintenant qu’on sait tout ça, comment on fait ? Comme je le disais, je ferai sûrement une vidéo plus complète plus dédiée à ce sujet, mais je pense qu’il y a quand même deux trois trucs que je peux déjà vous dire pour mieux fonctionner avec vos contraintes ou avec celles des personnes autistes dont vous vous occupez.

Premièrement il faut bien comprendre que les contraintes alimentaires ce n’est pas être difficile et ce n’est pas des caprices. Ce n’est pas un « problème » qui se règle en se forçant ou en étant forcé·e à manger de tout. Ces traits autistiques ils seront présents toute notre vie et c’est pas quelque chose que l’on peut « guérir » ou « reprogrammer » d’une manière ou d’une autre. C’est comme ça qu’on fonctionne et qu’on fonctionnera toujours. Et ils ne sont pas là parce qu’on n’a pas été assez éduqué·e ou parce qu’on ne fait pas d’efforts, ils sont là parce qu’on est autiste et c’est comme ça.

C’est traits peuvent bien sûr évoluer au cours de la vie, comme tous, mais on ne peut pas contrôler cette évolution.

Cela étant dit j’ai bien conscience que ça peut être très envahissant et très compliqué à gérer. Je parle notamment s’il y a des parents d’enfants autistes qui m’écoutent, ce que je dis ce n’est pas « c’est comme ça, c’est rien », je sais que ça peut être compliqué à gérer.

Mais la solution ne résidera jamais dans le fait d’aller contre ces contraintes notamment d’une part parce que ça ne va probablement pas marcher et d’autre part parce que ça envoie comme message : « Si quelque chose est douloureux pour toi mais que les personnes qui s’occupent de toi te demande de le faire, il faut le faire et pas se plaindre sinon tu seras puni·e ». Et sur le long terme c’est quelque chose que beaucoup d’entre nous finissent par intégrer et par accepter et ça nous met vraiment en danger.

De la même manière, surtout n’essayez pas de piéger vos enfants ou vos proches en cachant dans leur nourriture des choses qu’ils détestent. Non seulement ça ne va probablement pas marcher mais en plus ça risque vraiment d’aggraver la situation. On risque d’être d’autant plus méfiant·es donc d’autant plus difficiles, voire d’aller jusqu’à refuser n’importe quelle nourriture que vous auriez préparée parce qu’on ne vous fait plus confiance, et vous serez pas vraiment plus avancé·es.

Que ce soit pour vous ou pour ses personnes de votre entourage, ce qui est vraiment important c’est d’essayer de comprendre ces contraintes : Qu’est-ce qui n’est pas possible ? Qu’est-ce qui est possible mais pas attrayant ? Qu’est ce qui est attrayant ?

Pour les aversions, or nécessité vitale, ça sert à rien de forcer. Mais pour les choses qui ne sont pas forcément attrayante on peut essayer de trouver des solutions. Essayer différentes cuissons, différentes formes, mettre du colorant, mettre des épices que la personne aime bien, essayer différents mélanges ou absences de mélange, etc. Il faut essayer de comprendre les contraintes et d’expérimenter pour trouver des manières de construire avec et pas contre.

Une dernière chose à retenir cependant c’est que comme toujours il ne faut pas systématiquement tout mettre sur le dos de l’autisme. Oui, dans le cas de la nourriture, plein de difficultés vont être effectivement liées à l’autisme. Mais les personnes autistes peuvent aussi avoir des intolérances ou des allergies par exemple, et il peut être important et utile de se demander si une réaction fortement négative à un aliment ne peut pas aussi venir du fait que l’aliment rend la personne malade ou en souffrance, surtout si c’est une personne qui a du mal à exprimer quand elle a mal. Et d’autre part les personnes autistes peuvent aussi avoir des troubles du comportements alimentaires comme l’anorexie ou la boulimie par exemple. Donc si vous voyez des changements assez fort dans le rapport à la nourriture d’une personne autiste, ça peut aussi être important de se demander si tout va bien côté santé mentale et s’il n’y a pas d’autres paramètres en jeu.

Outro

Voilà, ça va être tout pour aujourd’hui, si jamais vous avez des questions, si vous avez l’impression que j’ai oublié quelque chose, n’hésitez pas dans les commentaires, je les lis toujours.

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Sur ce je vous souhaite une bonne fin de journée, et à dans deux semaines !

Annexes

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Mieux comprendre l’autisme : Hypersensibilité et Troubles Sensoriels : https://www.youtube.com/watch?v=CNZu7Q2zQ0w
Mieux comprendre l’autisme : Les intérêts spécifiques : https://www.youtube.com/watch?v=kbd0wvMFj5U
Mieux comprendre l’autisme : Routines et Rigidité Mentale : https://www.youtube.com/watch?v=kGk_l34-sQk

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