Mieux comprendre l’autisme : Le burnout autistique
Cet article est une restranscription de cette vidéo :
Avertissement de contenu : brève mention de troubles du comportement allimentaire
Inroduction
Bonjour et bienvenue sur ma chaîne, c’est H Paradoxæ et je sais pas si vous avez remarqué mais en 2020 mon rythme de vidéos a été un peu chaotique. Aujourd’hui on va parler de burnout autistique.
Avant de commencer, pour celleux dont ce serait la première arrivée sur cette chaîne, bienvenue, je m’appelle Alistair, je suis moi-même autiste, et sur cette chaîne (entre autres choses) je fais des vidéos pour vulgariser ce qu’est ou ce que peut être l’autisme.
Le burnout
Le burnout ce n’est pas quelque chose qui est réservé aux personnes autistes évidemment, et à la base ça désigne un épuisement lié au travail. En général c’est une combinaison de surcharge de travail, de non-reconnaissance du travail, de stress et/ou un sentiment d’échec ou d’incompétence au travail. Et quand toute cette maltraitance et cette souffrance atteint un certain stade on peut tomber en burnout.
Ça va souvent se manifester comme une combinaison assez proche de la dépression et/ou de l’anxiété, avec du coup de l’émotivité, de l’irritabilité, de la fatigue, de la déprime, de l’angoisse, et éventuellement des symptômes physiques aussi comme de la douleur, des troubles du sommeil, des troubles de l’alimentation, etc. et dans un certain nombre de cas on va avoir, comme c’est le cas par exemple dans la phobie scolaire aussi, une incapacité à aller au travail, voire à sortir de chez soi.
Le burnout autistique
Le burnout autistique est un burnout, mais où la fatigue, le stress, l’incapacité vont être liées à l’autisme, ou plus exactement à l’absence d’une prise en compte suffisante de l’autisme dans le quotidien.
J’en profite pour dire qu’ici je parle de burnout autistique parce que c’est ce que j’ai vécu et c’est mon domaine de compétence, mais j’ai déjà entendu des personnes avec d’autres handicaps, notamment des personnes schizophrènes, parler du même genre d’événement. Donc ici je vais appliquer mes exemples concrets à l’autisme, mais le propos général et le mécanisme général du burnout autistique peut se retrouver dans d’autres handicaps.
Au début j’avais prévu une grosse vidéo sur le sujet mais mon script était vraiment trop long donc j’ai décidé de le diviser en deux épisodes. Aujourd’hui je vais vous parler de ce qui causent les burnouts autistiques et de comment ça se manifeste, et je ferai une seconde vidéo pour parler de la gestion des burn-out autistiques et de comment les éviter.
Les causes
Pour ce qui est des causes déjà comme je l’ai dit, c’est lié à la non prise en compte de l’autisme, mais qu’est-ce que ça veut dire concrètement ?
Ça veut dire que beaucoup de personnes autistes vivent dans des conditions qui ne sont pas adaptés à leurs besoins et à leur handicap, et se retrouve du coup dans des situations qui sont difficiles, violentes, douloureuses et/ou fatigantes. Et souvent ces situations-là vont pousser la personne à masquer.
Le masking
Masquer, dans le contexte de l’autisme, c’est le fait de, volontairement ou involontairement, consciemment ou inconsciemment cacher qu’on est autiste, et/ou cacher ses traits autistiques.
Ça peut être par exemple :
- Regarder dans les yeux alors que c’est difficile
- S’empêcher de stimer, donc ne pas se balancer, ne pas agiter les mains, etc.
- Utiliser des modes de communication qui sont plus difficiles et plus fatigants, donc suivant les personnes ça peut être parler à l’oral plutôt qu’à l’écrit, ou l’inverse, parler à l’écrit plutôt qu’à l’oral, utiliser le téléphone, etc.
- Ca peut être aussi subir un environnement sensoriellement agressifs pour pouvoir s’intégrer, par exemple pour aller dans des lieux de socialisation ou sur le lieu de travail
- Ou encore entretenir de relations sur un mode qui n’est pas adapté, par exemple se forcer à vivre avec la personne avec qui on est en couple, ou à dormir avec elle alors que ça nuit à notre santé
et encore plein d’autres choses !
Le masking, basiquement, c’est mettre en priorité le fait d’être perçu comme « normal » et de s’intégrer avant nos besoins et donc notre santé. Et quand je dis ça c’est pas du tout un jugement, vouloir avoir l’air normal·e et vouloir s’intégrer, c’est pas une volonté superficielle. Malheureusement bien souvent c’est nécessaire pour des choses un peu vitales comme avoir un travail ou des relations sociales.
Avant le diagnostic
Il faut bien aussi comprendre que tout ça ce n’est pas réservé aux personnes qui savent qu’elles sont autistes. C’est aussi un problème très courant chez les personnes qui ne le savent pas mais juste qui se sont fait harceler, larguer ou virer parce qu’elles avaient l’air « insolentes », « bizarres » ou « feignantes » par exemple. Et qui du coup, encore une fois consciemment et volontairement ou pas, ont appris et se force à « avoir l’air normales » et à passer pour neurotypiques ou valides pour se protéger de ces violences-là.
Et dans un certain nombre de cas aussi, j’en avais parlé dans ma vidéo sur l’autodiag que je vous met dans les annexes en fin d’article, beaucoup de personnes n’ont pas conscience qu’elles ont plus de difficultés que les autres, et elles se disent donc que si les autres y arrivent elles doivent se forcer pour y arriver de la même manière, parce qu’elles n’ont pas de raison de se plaindre ou de demander de l’aide.
Il est d’ailleurs très courant, et c’est mon cas, que des personnes autistes soient diagnostiquées après un burn-out. Que les personnes en question aient senti (ou pas d’ailleurs) qu’il y avait quelque chose de « différent » ou « bizarre » avec elles, mais que, soit de leur propre initiative soit parce que leurs proches ou des professionnels leur ont dit : « Non non tout va bien, vous êtes parfaitement normale. », elles ont mis de côté ces questionnements-là jusqu’au jour où l’épuisement a fait que ce n’était plus possible de les nier.
L’innaccessibilité
Quoi qu’il en soit, masking ou pas masking, diagnostic ou pas diagnostic, l’inaccessibilité elle pèse, elle fait mal et elle fatigue. Ça nous use petit à petit et si on n’a pas la place pour exister et se reposer, à terme on va forcément finir par craquer : c’est le burnout autistique.
Les symptômes
En termes de symptômes, pour moi le burnout autistique c’est un peu une espèce de shutdown géant de l’enfer si vous voulez. Si vous ne savez pas ce que c’est qu’un suhtdown, c’est un type de crise autistique. J’ai une vidéo dédiée sur le sujet que je vous mets dans les annexes, mais de toute façon là je vais vous réexpliquer un peu ce que ça veut dire.
Évidemment les détails vont être différents pour chaque personne, mais le burnout autistique se présentent globalement comme une espèce de mélange de dépression/anxiété/fatigue, et une aggravation ou une augmentation des traits autistiques habituels.
Ça va être par exemple :
- Une augmentation de la difficulté ou une impossibilité à parler, et plus généralement une augmentation des difficultés de communication
- Une aggravation des troubles sensoriels
- Une aggravation de la dysfonction exécutive aussi (si vous savez pas ce que c’est, pareil je vous mets une vidéo dans les annexes, mais en gros vous pouvez retenir que c’est la capacité à faire des trucs)
- Ca peut aussi se manifester par de l’apathie
- De l’insomnie et/ou de l’hypersomnie
- Une fatigue extrême
- Un désintérêt pour beaucoup de choses, voire pour tout
- Des troubles alimentaires
- Un refus et/ou une incapacité à sortir de chez soi
- Une augmentation de la rigidité mentale et/ou au contraire une perte de toute routine et de capacité à entretenir un cycle de vie
et sûrement encore plein d’autres choses.
Cas pratique
Évidemment les symptômes et les moments où les burnout arrivent vont varier d’une personne à l’autre, mais du coup personnellement moi j’ai fait un gros burnout en sortant du lycée et je vais vous raconter un peu ça pour vous donner un exemple.
Le lycée pour moi ça a été une expérience extrêmement dure et violente où se sont accumulées d’un côté la dépression, l’anxiété, le trauma, et de l’autre l’aggravation de toutes mes difficultés liées à l’autisme parce que la fatigue s’accumule, que j’ai déjà plein d’autres problèmes à gérer, et que le milieu dans lequel je vis deviens de plus en plus exigeants et donc de plus en plus inaccessible.
J’ai tenu jusqu’à la fin de mon lycée parce que… honnêtement j’avais pas vraiment le choix, mais arrivé dans mon premier appart étudiant je me suis effondré. J’ai mis environ six mois à réussir à manger tous les jours, me laver presque tous les jours, et dormir tous les jours. J’avais complètement perdu ma capacité à prendre des initiatives et à me construire un cadre de vie.
La vérité en fait c’est que c’était déjà le cas avant mon burnout, mais que le lycée et la vie que j’avais à ce moment-là construisait un peu de force un cadre autour de moi qui me maintenait debout. J’étais obligé de me lever le matin pour aller au lycée, et si mes amis elle à la cantine j’allais y aller, et une fois que j’y étais j’allais manger. Mais déjà à l’époque si par exemple ma famille n’était pas là un soir, ou que mes camarades de classe n’avaient pas leur pause de midi en même temps que moi, je n’allais tout simplement pas manger. Je n’avais pas de prise d’initiatives pour m’entretenir en tant qu’individu vivant en fait. J’étais, je pense, tout simplement trop épuisé pour ça.
Et ça veut pas dire que les choses ce serait mieux passé pour moi après le lycée si on avait maintenu dans un cadre de ce genre, parce que certes c’est le cadre qui me permettait de me lever le matin et de me nourrir, mais c’était aussi le cadre qui était inadapté, et qui m’épuisait, et qui causaient mes difficultés.
La manière dont je le vois c’est qu’il y avait un cadre qui me maintenait debout et donc quand on l’a enlevé je me suis effondré, mais que comme le cadre m’épuisait, s’il était resté j’aurais continué à me fatiguer et au final cadres ou pas cadre j’aurai fini par m’effondrer quand même, mais du coup plus tard et sûrement plus fort.
Je pense que ce burnout-là a été particulièrement long et intense, et on peut évidemment être en burnout sans en arriver là, surtout si on a été soutenu·e plus tôt et mieux, et soutenu tout court en fait, mais c’est mon expérience. Par la suite j’ai eu d’autres moments de burnout mais que j’ai repéré et pris en charge bien plus tôt et bien plus efficacement, et qui du coup ont été bien moins longs et bien moins violents.
Sur le long terme
Par ailleurs ici je parle des conséquences immédiates du burnout, de ce qui se passe quand on est en burnout, mais je pense que c’est aussi important de dire qu’il y a des conséquences au long terme, et que plus il est ignoré, et plus on se force longtemps à se fatiguer encore plus alors que finalement on est déjà en burnout, plus ça va être le cas.
Quand j’étais au collège je lisais énormément, genre 4/5 heures par jour. Là je commence un tout petit peu à m’y remettre mais c’est encore fragile, et ça fait cinq ans ! J’ai mis cinq ans à retrouver le début des capacités cognitives dont j’ai besoin pour lire un bouquin. Et c’est vraiment pas encore gagné !
Et dans beaucoup de cas, en tout cas dans mon expérience et dans ce que je vois autour de moi, on ne retrouvera pas complètement les capacités qu’on avait avant le burnout, et notamment les capacités de masking qu’on avait avant le burnout.
J’ai l’air plus autiste qu’il y a 10 ans. Je suis plus handicapé qu’il y a 10 ans. Et même si avec le temps, et beaucoup BEAUCOUP de repos, j’ai réussi à retrouver des choses, je sais que le moi d’avant le burnout il est perdu en fait.
Et même si évidemment c’est quelque chose de douloureux et d’handicapant, et si j’ai perdu des capacités qui fondamentalement étaient positives, je sais aussi qu’une bonne partie des capacités que j’ai perdu ce n’était pas des choses que je pouvais avant sans problèmes, mais c’est plutôt la capacité à me forcer à faire des choses qui mettaient déjà ma santé en danger à l’époque, et qui m’ont mené à ce point-là.
Il s’agit pas de nier l’importance des burnouts autistiques, et à quel point ça peut être douloureux, et à vivre, et de constater les conséquences que ça pour nos capacités au long terme. Et c’est tout à fait normal que pour beaucoup de personnes ce soit douloureux et effrayant de se voir perdre des capacités et qu’il y ait une forme de deuil à faire, pour moi ça a été le cas.
Mais je pense que c’est important de prendre en compte le fait qu’il ne s’agit pas juste de « Avant je pouvais faire ça et maintenant plus. » mais aussi « Avant je pouvais encaisser cette violence là et maintenant plus. »
Je sais que c’est pas une note très positive pour finir une vidéo, mais du coup je tiens quand même à ajouter que cette expérience là c’est une des choses qui me pousse à affirmer que la « gravité » de nos handicaps entre guillemets n’est pas le seul facteur qui détermine notre capacité à être heureuxes et épanoui·es.
Je suis plus handicapé qu’il y a 10 ans par plein d’aspects, mais je suis aussi beaucoup plus heureux. Et même si je ne suis pas « content » d’avoir fait un burnout, si je devais choisir entre être dans l’état dans lequel j’étais avant mon burnout, et dans le celui dans lequel je suis maintenant, je choisirais maintenant sans aucune hésitation !
L’environnement dans lequel on évolue, les stratégies et les outils qu’on a pour gérer le handicap, et tout ce qu’on a en dehors du handicap aussi, tout ça c’est, dans mon expérience en tout cas, plus déterminant dans la capacité à être heureux que la « gravité » du handicap en lui-même et les symptômes que l’on expérience.
C’est normal que ce soit douloureux de perdre des capacités, et c’est normal que ça ait l’air effrayant parce que ça l’est. Mais je vous jure que c’est pas la fin de la vie, c’est tout.
Outro
Voilà tout ce que j’avais à dire pour aujourd’hui, j’espère que cette vidéo vous aura aidé à comprendre un peu plus le pourquoi du comment du burnout autistique. Si c’est le cas n’hésitez pas à la partager autour de vous.
Avant de partir je tiens à vous rappeler l’existence de uTip qui est la plateforme sur laquelle vous pouvez financer mon travail et cette chaîne. YouTube c’est mon travail à plein temps et uTip c’est ma principale source de revenus donc c’est vraiment important, et merci à toutes les personnes qui me soutiennent déjà dessus je pense à vous à chaque fois que j’achète des pâtes.
Sur ce, je vous souhaite une bonne fin de journée et à dans deux semaines !
Annexes
Ma série sur l’autodiagnostic : https://www.youtube.com/watch?v=buVdf8WTmb8
La version écrite de l’épisode 1 : https://alistairh.fr/index.php/autodiag-1/
La version écrite de l’épisode 2 : https://alistairh.fr/index.php/autodiag-2/
Ma vidéo sur les crises autistiques : https://www.youtube.com/watch?v=xVQuN3Oi634
Ma vidéo sur la dysfonction exécutive : https://www.youtube.com/watch?v=YtP_ooNz5xU
[EN] La vidéo de Myth Schaber sur le burnout autistique : https://www.youtube.com/watch?v=DZwfujkNBGk
Un thread de psssssycho (https://linktr.ee/psssssycho) sur son expérience avec l’apparition de la schizophrénie qui fait écho à pas mal de sujets de cette vidéo (et à d’autres enjeux tout aussi intéressant !) : https://twitter.com/psssssycho/status/1235676812987924481
Merci Alistair, vraiment merci. Je pose le doigt point par point sur mes incapacités (quel vilain mot) actuelles. Grâce à tes vidéos, particulièrement ce témoignage, grâce à « L’année suspendue » de Mélanie Fazi, je me lance enfin dans la course au diag, mais j’ai bien peur d’avoir attendu le burn out pour le faire… Enfin merci quoi.
Mel, 40 ans, non binaire tda et tsa ?